La réception de l’ouvrage : les aspects juridiques

Lundi 20 Juin 2016

L’ensemble du droit de la construction et des régimes des assurances associées s’articulent autour de la notion de réception. Il est donc essentiel de bien maîtriser cette notion, de savoir que plusieurs types de réception existent et ce qu’elle entraine comme conséquences juridiques.

Importance de la réception de l’ouvrage : Le régime des garanties applicables à un sinistre s’apprécie selon qu’une réception a ou non été prononcée : est-on avant ou après la réception ?

RÉGIME JURIDIQUE AVANT RÉCEPTION

1 - Caractère contraignant du marché de l’entreprise

Seul le contrat (ou marché) de l’entreprise s’applique avant la réception. L’entreprise est contractuellement tenue d’achever la tâche qui lui a été confiée et pour laquelle elle s’est engagée. La loi énonce que le contrat a, entre les parties qui l’ont signé, la force de la loi (Article 1134 du Code Civil).

L’obligation de l’entreprise est dite « obligation de résultat » ; cela signifie qu’elle est en faute et engage donc sa responsabilité tant que le résultat auquel elle s’est engagée par son contrat n’est pas atteint.

Le résultat s’apprécie selon trois critères : la commande avec les règles de l’art, le délai et le prix.

Celui qui n’exécute pas, ou qui exécute de manière imparfaite son contrat engage sa responsabilité contractuelle. Si l’entreprise n’exécute pas spontanément ses obligations, elle peut y être contrainte par voie judiciaire.

Le droit permet plusieurs solutions :

  • L’exception d’inexécution (s’abstenir d’exécuter ses obligations tant que l’autre partie n’a pas exécuté les siennes) ;
  • L’exécution forcée (souvent sous astreinte - Article 1134 du Code Civil) ;
  • L’exécution par un tiers, aux frais de l’entreprise défaillante (Article 1144 du Code Civil) ;
  • La résolution judiciaire du contrat (Article 1184 du Code Civil) et l’octroi de dommages et intérêts au maître d’ouvrage.

Dans tous les cas, le premier conseil à donner au maître d’ouvrage est d’envoyer une mise en demeure à l’entreprise par LRAR en imposant un délai pour reprendre ou achever son ouvrage. Ce n’est que passé le délai accordé qu’une action devra être envisagée. Le choix de l’action dépendra d’un ensemble de facteurs que l’expert bâtiment appréciera :

  • La gravité des manquements de l’entreprise (malfaçons, retards, …) ;
  • La situation économique de l’entreprise, sa solvabilité ;
  • L’état des sommes déjà versées à l’entreprise.

2 – L’entreprise est responsable de son ouvrage jusqu’à la réception

C’est une des conséquences de l’obligation que souscrit l’entreprise en signant son marché et qui est de fournir un ouvrage conforme à la commande. Jusqu’à la réception l’entreprise est « gardienne » de l’ouvrage, elle en est responsable.

Ainsi, si l’ouvrage en cours de travaux était sinistré, détruit partiellement voire totalement, l’entreprise devrait le reconstruire à ses frais (Article 1788 du Code Civil). Il s’agit d’une des conséquences de la nature de l’obligation dite « de résultat ».

3 – La durée de la responsabilité de l’entreprise

Depuis la loi du 17 juin 2008 : 5 ans (nouvel article 2224 du Code Civil).

« Les actions personnelles ou immobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits de l’exercer. »

4 – Absence probable de garantie d’assurance

La responsabilité contractuelle de l’entreprise n’est pour ainsi dire jamais couverte par une garantie d’assurance. Il ne s’agit en tout cas pas d’une des garanties que le constructeur doit obligatoirement souscrire aux termes de la loi. Cela signifie que l’entreprise est seule à pouvoir répondre aux demandes du maître d’ouvrage. Le risque est bien évidemment qu’en cas de mise en redressement ou liquidation judiciaire de l’entreprise, personne n’exécutera son marché à sa place !

Deux exceptions existent :

  • 1 La garantie effondrement, ou risque d’effondrement de l’ouvrage :

Une garantie existe parfois (mais pas toujours, car il faut que l’entreprise l’ait souscrite, elle n’est pas obligatoire) dans ce cadre de sa responsabilité contractuelle. Les limitations de garanties de ce type d’assurance sont importantes. Sans une analyse fine des termes du contrat d’assurance de l’entreprise, il est impossible de savoir si une telle garantie est susceptible de s’appliquer.

  • 2 La garantie Dommage-Ouvrage :

Théoriquement obligatoire, mais encore faut-il qu’elle ait été souscrite par le maître d’ouvrage… L’Article L.242-1 du Code des Assurances mentionne que

« elle garantit le paiement des réparations nécessaires lorsque avant la réception, après mise en demeure restée infructueuse, le contrat de louage d’ouvrage conclu avec l’entrepreneur est résilié pour inexécution, par celui-ci, de ses obligations. »

La mise en liquidation judiciaire de l’entreprise fait présumer la résiliation du contrat de l’entreprise.

Attention : l’assureur dommage-ouvrage ne financera pas l’achèvement de l’ouvrage, mais seulement la réparation des malfaçons qui par leur gravité compromettent la solidité de l’ouvrage ou portent atteinte à sa destination.

RÉGIME JURIDIQUE APRES RÉCEPTION

La réception est l’acte juridique par lequel le maître d’ouvrage reçoit (ce qui suppose qu’il accepte) l’ouvrage mis en œuvre par l’entreprise (ce qui suppose que cet ouvrage soit achevé).

Cet acte est d’une importance capitale car il a trois effets cumulatifs :

1 – Il met en principe un terme à la relation contractuelle ayant existé entre le maître d’ouvrage et l’entreprise

  1. L’ouvrage réceptionné sans réserve est juridiquement sensé être parfait, il ne peut plus engager la responsabilité contractuelle de l’entreprise.
  2. Il existe deux exceptions :
    1. Les réserves : la responsabilité contractuelle de l’entreprise, et donc son obligation, subsistent pour les malfaçons, non façons ou désordres ayant donné lieu, lors de la réception à une réserve. La durée de cette responsabilité est de 5 ans à compter du jour de la réception.
    2. L’application de la « théorie des dommages intermédiaires » (théorie d’origine jurisprudentielle) : l’entreprise est tenue de reprendre les désordres qui apparaissent après la réception (ce qui suppose qu’ils n’étaient pas apparents au jour de celle-ci) sous deux conditions :
      • Que ces dommages ne soient pas susceptibles de relever d’une garantie légale, qui pourrait la cas échéant avoir depuis lors expiré ;
      • Que ces dommages soient imputables à une faute de l’entreprise.

En pratique, l’obligation de l’entreprise étant une obligation de résultat, il est aisé de démontrer une faute qui lui soit imputable puisque sa responsabilité est alors présumée.

2 – Il opère le transfert de la garde de l’ouvrage, de l’entreprise vers le maître d’ouvrage

En conséquence, à compter de la réception, l’entreprise n’est plus responsable des dommages que l’ouvrage pourrait causer à des tiers.

Toutefois, si le dommage est la conséquence d’une faute imputable à l’entreprise, il pourra engager sa responsabilité. Par exemple, la chute par une fenêtre après réception alors que le garde-corps n’était pas réglementaire ou avait été mal fixé.

De même, à compter de la réception, le maître d’ouvrage supporte le risque des atteintes que l’ouvrage pourrait subir.

Il appartient donc au maître d’ouvrage qui recueille la garde juridique de l’ouvrage de le faire immédiatement assurer contre les risques usuels (incendie, catastrophes naturelles, dégradations, etc …).

On comprend à l’analyse du transfert de la garde que l’entreprise a parfaitement intérêt à la réception, qui va la décharger d’un risque important.

3 - Il constitue le point de départ de toutes les garanties particulières au droit de la construction

Ce point est extrêmement important : sans réception aucune de ces garanties n’est susceptible de s’appliquer

     La garantie conventionnelle obligatoire : la garantie dommage ouvrage. Elle couvre l'ouvrage depuis la fin de la GPA et sur une durée de 9 ans.

     Les trois garanties légales :

  1. Garantie de Parfait Achèvement (1 an) ;
  2. Garantie de Bon Fonctionnement biennale des éléments d’équipements dissociables ;
  3. Garantie Décennale des éléments constitutifs de l’ouvrage et des éléments d’équipements indissociables.

 

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