Expertise bâtiment à la demande d’un assureur

Dimanche 06 Novembre 2016

Un assureur peut solliciter un expert bâtiment pour l’instruction d’un dossier ouvert à la suite d’une déclaration de sinistre faite par son assuré, d’une mise en cause directe du lésé (celui qui a subi le préjudice) ou d’un recours formé par un autre assureur.

1 – L’INSTRUCTION D’UN DOSSIER DE SINISTRE

Pour instruire un dossier de sinistre dans le domaine de la construction, l’assureur doit réunir des informations de nature technique, économique et contractuelle.

Il doit pouvoir obtenir des informations techniques et administratives sur la construction et les conditions d’assurance de la part de la compagnie d’assurance, ou sur le sinistre et les circonstances de son apparition auprès de l’assuré.

En réalité ces informations sont vérifiées et complétées par l’expert, qui n’est pas partie prenante dans le dossier.

Les informations que l’assureur attend de l’expert doivent lui permettre de répondre à deux principales interrogations :

  • est-ce que ce contrat d’assurance au titre duquel le sinistre est déclaré est susceptible de s’appliquer ?
  • si oui, quel montant d’indemnité doit lui être versé ?

1.1 - Les questions auxquelles est amené à répondre l’expert bâtiment

Prenons l’exemple d’un entrepreneur de gros-œuvre ayant adressé à son assureur de responsabilité décennale une déclaration de sinistre après avoir été alerté par le maître d’ouvrage d’une fissuration généralisée sur la façade principale de son bâtiment d’habitation.

Les questions que se pose l’assureur et auxquelles l’expert désigné doit répondre sont les suivantes :

  • les dommages affectent-ils les travaux réalisés par l’entrepreneur assuré ? ;
  • les dommages sont-ils de la nature de ceux qui sont garantis par le contrat (par exemple de nature décennale) ? ;
  • est-ce que l’assuré est responsable de ces dommages ? Si oui, pourquoi ? Est-il seul responsable ? ;
  • quel est le montant des travaux nécessaires pour la réparation de ces dommages ? ;
  • quel est le montant de l’indemnité qui doit être versée ? ;
  • en un mot, est-ce que le contrat s’applique, et pour quel montant ?

Chacune de ces questions peut d’ailleurs se subdiviser en plusieurs questions secondaires. En reprenant notre exemple, le montant des travaux de réparation ne peut être déterminé que si l’expert s’est clairement prononcé sur l’origine du dommage et sur le remède approprié.

1.2 - L’expert bâtiment ; l’expert du contrat

Lorsque l’expert bâtiment intervient à la suite d’une déclaration de sinistre, il conduit son expertise par référence au contrat d’assurance au titre duquel cette déclaration a été adressée

Il est d’usage de dire que l’expert est l’expert du contrat ; signifiant ainsi qu’il doit apporter toutes les informations nécessaires aux deux parties pour leur permettre de juger si le contrat peut s’appliquer ou non. En corollaire, si à l’évidence le contrat ne peut s’appliquer, il est inutile que l’expert entreprenne des recherches et des investigations coûteuses. Il prendra alors l’initiative de faire part de cette situation à l’assureur qui l’a désigné, permettant ainsi de mettre fin à sa mission, devenue sans objet.

Ainsi la mission de l’expert bâtiment se limite-t-elle très rarement à une analyse et à des investigations techniques ; celui-ci dans ses recherches, tout au long de son expertise, les questions qui conditionnent l’application du contrat.

L’expertise est donc spécifique au type de contrat concerné, puisque les informations demandées sont différentes pour chacun d’entre eux. La méthodologie de l’expertise sera elle-même adaptée à chaque contrat, même si toutes les méthodologies ont un tronc commun, notamment le processus qui conduit à l’établissement du diagnostic technique.

L’analyse technique n’est ainsi pas isolée ; elle n’est pas indépendante de l’analyse juridique  et de l’analyse des contrats (contrats des constructeurs avec le maître d’ouvrage, contrats de sous-traitance, contrats de vente et contrats d’assurance).

Cela implique que l’expert bâtiment examine le sujet technique en intégrant les critères d’appréciation des responsabilités et des garanties. Pour ce faire, il est indispensable qu’il ait une bonne connaissance des contrats d’assurance et des articles du code civil sur lesquels reposent les principes de la responsabilité contractuelle et quasi délictuelle.

1.3 - Les différents types d’expertise

1.3.1 - L’expertise responsabilité décennale

L’expert bâtiment est désigné au titre de responsabilité décennale d’un intervenant à l’acte de construire, lié au maître d’ouvrage par un contrat de louage d’ouvrage.

EXEMPLE

L’entrepreneur fait état dans sa déclaration de sinistre de l’arrivée d’eau dans les cuvettes d’ascenseur d’un immeuble qu’il a construit, à la suite de l’élévation du niveau des eaux de la rivière à proximité.

1.3.2 - L’expertise dommages-ouvrage

L’expert est désigné au titre d’un contrat d’assurance dommages-ouvrage.

EXEMPLE

Le maître d’ouvrage indique, dans sa déclaration de sinistre, que la climatisation de l’immeuble de bureaux s’est révélée insuffisante lors de la période de chaleur estivale.

1.3.3 - L’expertise dommages-ouvrage convention

L’expert est désigné au titre d’un contrat d’assurance dommages-ouvrage, cette fois pour le compte commun de l’ensemble des assureurs concernés par le sinistre (assureur dommages-ouvrages et assureurs de responsabilité), par référence à la Convention de règlement assurance construction (CRAC) signée entre assureurs.

1.3.4 - L’expertise tous risques chantier

L’expert est désigné au titre d’un contrat d’assurance tous risques chantier à la suite d’une déclaration de sinistre du maître d’ouvrage.

EXEMPLE

Une partie importante du fond de fouille s’est effondrée au-dessus d’une cavité créée par l’exploitation « sauvage » du calcaire de Brie en région parisienne (exploitation non répertoriée par le service des carrières et non reconnue par l’étude géotechnique).

1.3.5 - L’expertise responsabilité civile

L’expert est désigné au titre d’un contrat de responsabilité civile (responsabilité vis-à-vis des tiers) à la suite d’une déclaration de sinistre, en cours de travaux, pendant la période décennale ou au-delà, d’un intervenant à l’acte de construire, d’un fabricant ou d’un tiers.

Déclaration de sinistre d’un intervenant à l’acte de construire :

La déclaration peut émaner d’un maître d’ouvrage, d’une entreprise, d’un architecte, d’un bureau d’études ou d’un contrôleur technique.

EXEMPLE

En cours de travaux, lors d’une tempête, l’effondrement du pignon de la maison individuelle, construit par le maçon, a entrainé la destruction des fermettes industrialisées, pour laquelle le charpentier demande réparation.

Déclaration de sinistre d’un fabricant :

L’expert peut intervenir à la suite d’une déclaration de sinistre du fabricant d’un produit incorporé dans la construction, dont le défaut de qualité est reconnu comme la cause d’un désordre : tuiles, ciment, menuiserie extérieure, garde-corps, etc.

EXEMPLE

Défectuosité des capteurs solaires (par éclatement des tubes en polyéthylène) destinés à chauffer l’eau de la piscine municipale.

Déclaration de sinistre d’un tiers :

Peut enfin établir une déclaration de sinistre un tiers à l’opération de construction.

EXEMPLE

  • Le propriétaire d’un immeuble voisin, qui est mis en cause à la suite de l’apparition de fissures sur le mur du sous-sol de la construction concernée ; on attribue ces fissures à la reprise en sous-œuvre du mur pignon de la construction lors des travaux de l’immeuble voisin ;
  • Le loueur d’une grue utilisée sur le chantier, celle-ci ayant, lors de sa chute, endommagé gravement plusieurs pavillons de l’opération de construction.

 

1.3.6. - L’expertise protection juridique

Dans ce cadre, l’expert est désigné au titre d’un contrat de protection juridique ou du chapitre « protection juridique » d’un contrat de responsabilité civile ou d’un contrat multirisques habitation.

EXEMPLE

L’assuré est mis en cause par son voisin à la suite de l’effondrement du mur mitoyen qui sépare leurs deux propriétés.

2 – L’ANALYSE DES RISQUES

Avant signature d’un contrat d’assurance de chose ou de responsabilité l’assureur doit pouvoir apprécier la nature du risque qu’il lui est proposé de couvrir.

Le risque a t-il un caractère suffisamment aléatoire ou bien, au contraire, un certain nombre de dispositions sont-elles réunies pour conduire inévitablement au désordre ? S’agit-il d’un risque aléatoire ou d’un dommage certain ?

Le caractère innovant d’un procédé, d’un produit ou d’une mise en œuvre fait bien souvent disparaître l’aléa. L’examen du dossier présenté par le tenant du procédé ou la fabricant du produit doit permettre d’établir si la démarche préalable suivie est scientifique et rigoureuse, en ce qui concerne notamment les essais en laboratoire et les expérimentations.

Le plus souvent, l’assureur dispose des compétences techniques nécessaires au sein de son service ; mais si ce n’est pas le cas, ou si cette analyse requiert des compétences très spécialisées, il peut rechercher l’avis d’un expert, généraliste ou spécialiste.

Il pourra demander à cet expert bâtiment :

  • d’effectuer seul cette analyse ou de répondre à des questions précises ;
  • d’effectuer des recherches sur des procédés analogues au procédé proposé ;
  • d’imaginer, en tenant compte de son expérience de la pathologie, les désordres ou les dysfonctionnements qui pourraient résulter de l’utilisation de ce procédé ;
  • d’évaluer le coût des dommages potentiels.

EXEMPLE

Une entreprise propose un procédé de plafond dit « rafraichissant » ; des canalisations sont intégrées dans les panneaux de grande dimension constituant le plafond, raccordés entre eux ; un fluide froid circule dans ces canalisations.

La tâche de l’expert consistera, en résumé ;

  • à s’informer sur les essais réalisés, les expérimentations, les installations déjà en service utilisant ce procédé, et à interroger les utilisateurs, s’il y en a ;
  • à dresser l’inventaire des désordres potentiels, tels que les défauts de performance, fuites de canalisations par défectuosité des raccordements ou corrosion interne, déformation par suite de variations thermiques ;
  • à évaluer les difficultés de remplacement des panneaux en cas de sinistre, et le coût des conséquences des dommages potentiels.

 

JB